L’alimentation désormais en bonne place dans l’agenda climatique

COP 28

Cette déclaration de la présidence de la COP sur l’agriculture, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique a été approuvée par 134 dirigeants mondiaux le 1er décembre 2023. Ils se sont engagés à inclure pour la première fois l’alimentation et l’agriculture dans les plans nationaux de lutte contre le changement climatique et à augmenter les financements.

Pendant longtemps, l’alimentation a été une question secondaire lors de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP).  La Déclaration des Émirats Arabes Unis sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique COP28 indique clairement que l’alimentation figure désormais en bonne place dans l’agenda climatique, ce qui est essentiel car elle représente un tiers des émissions mondiales et est très vulnérable aux effets du climat. « Nous soulignons que toute voie permettant d’atteindre pleinement les objectifs à long terme de l’Accord de Paris doit inclure l’agriculture et les systèmes alimentaires. Nous affirmons que l’agriculture et les systèmes alimentaires doivent s’adapter et se transformer de toute urgence afin de répondre aux impératifs du changement climatique », ont-ils soutenu dans la Déclaration. Cependant, la rhétorique devra être transformée en réalité avec des actions, des objectifs, des calendriers et des financements clairs pour les systèmes alimentaires dans les nouveaux plans climatiques nationaux avant la COP30. Pour Wanjira Maithai, directeur général pour l’Afrique et les partenariats mondiaux au World Resources Institute, la déclaration des Émirats représente un changement de mentalité majeur. « Le système alimentaire mondial, qui représente un tiers des émissions et qui est très vulnérable aux effets du climat, est désormais inscrit à l’ordre du jour et le compte à rebours a commencé».

A son avis, «Les gouvernements doivent immédiatement inclure l’alimentation et l’agriculture dans leurs plans nationaux de lutte contre le changement climatique, ce qui implique des actions concrètes, des objectifs, des calendriers et des financements pour éliminer les combustibles fossiles de notre système alimentaire, promouvoir une agriculture plus diversifiée et plus respectueuse de la nature, soutenir les petits producteurs et réduire les émissions de méthane », a-t-elle déclaré. De son côté, Elizabeth Nsimadala, présidente de la Fédération des agriculteurs d’Afrique de l’Est, qui représente 25 millions de petits producteurs, pense qu’il s’agit là d’un coup d’envoi de la transformation de notre système alimentaire. « Elle –la déclaration- reconnaît que les 439 millions de petits exploitants familiaux du monde entier sont essentiels pour réaliser les changements nécessaires », commente-t-elle. Toutefois, « Pour que nous puissions jouer notre rôle, nous devons avoir notre mot à dire dans les décisions relatives à l’alimentation et au climat et bénéficier d’un accès plus direct au financement climatique : nous produisons un tiers des denrées alimentaires dans le monde, mais ne recevons que 0,3 % du financement international en faveur du climat.  Si les gouvernements travaillent avec nous – et investissent en nous – nous pouvons contribuer à créer les systèmes alimentaires résilients et durables nécessaires pour nourrir le monde pour les générations à venir ».

Aller au-delà des beaux discours

Elizabeth prononcera un discours sur la déclaration des systèmes alimentaires lors de l’ouverture officielle du sommet des dirigeants mondiaux. L’analyse des réseaux représentant plus de 35 millions d’agriculteurs familiaux révèle que les petits producteurs ne reçoivent que 0,3 % du financement public international pour le climat. Ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation et membre du comité directeur du groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition, Hilal Elver, observe que : « Il est grand temps que la conférence des parties les mette au menu principal. L’alimentation et l’agriculture doivent être au cœur des nouveaux plans climatiques et des financements si nous voulons respecter l’accord de Paris et avoir suffisamment d’aliments nutritifs pour tout le monde ». En effet, argumente Hilal Elver, « la destruction de la nature et le changement climatique menacent la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance des populations rurales et la nutrition, mais nos systèmes alimentaires sont également à l’origine d’un tiers des émissions mondiales et constituent l’un des principaux facteurs de disparition de la faune et de la flore sauvages ».

S’il est vrai que cette Déclaration est une étape importante sur la voie d’un système alimentaire plus résilient et plus durable, Esther Penunia, secrétaire générale de l’Association des agriculteurs asiatiques pour le développement durable, une alliance régionale d’organisations nationales d’agriculteurs représentant 13 millions d’agriculteurs familiaux, estime que « le véritable travail commence maintenant. Les gouvernements doivent travailler avec les réseaux d’agriculteurs familiaux pour s’assurer que les promesses faites à Dubaï se traduisent par des politiques et des financements concrets afin de soutenir les petits producteurs – qui produisent un tiers de la nourriture mondiale – et de promouvoir une agriculture plus diversifiée et plus respectueuse de la nature, ce qui, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est nécessaire pour préserver la sécurité alimentaire ».

Nadège Christelle BOWA

Une histoire nouvelle s’écrit-elle pour les forêts tropicales à Brazzaville

Sommet des trois bassins

Les attentes sont nombreuses, les enjeux colossaux. 1,5 milliards de personnes vivent dans ces écosystèmes tandis que les 8 milliards d’habitants sur cette terre en ont besoin pour y préserver la vie. Marquant sa présence à ses assises, en dépit des difficultés à s’inscrire à l’événement, la société civile, dans une déclaration, appelle les Chefs d’Etat à une réorientation des centres d’intérêt qu’elles veulent voir orienter davantage vers les droits des peuples autochtones et des communautés forestières tandis que les menaces qui pèsent sur les forêts tropicales s’aggravent.

Le ministre Soudan Nonault prononçant son allocution de circonstance. Crédit photo Alwihda Info

Un avant ! Un après ! C’est le vœu que formule  Arlette Soudan-Nonault, ministre de l’environnement, du développement durable et du bassin du Congo, coordinatrice technique de la commission climat du bassin du Congo dans son discours d’ouverture du Sommet des trois bassins des Écosystèmes de Biodiversité et des Forêts Tropicales qui se tient à Brazzaville sur le site de Kintélé, ce jeudi 26 octobre 2023 à Brazzaville. « Certaines journées, certains sommets comptent plus que d’autres parce qu’ils marquent l’histoire plus que d’autres et j’ose croire qu’il y aura un avant et un après sommet des trois bassins [surtout que] 1,5 milliard de personnes vivent dans nos écosystèmes ou de nos écosystèmes, et les 8 milliards d’habitants sur cette terre ont besoin de nos écosystèmes pour y préserver la vie », a-t-elle laissé entendre avant d’inviter les milliers de participants à investir et s’investir « dans les 26 side events et les 5 panels de ce sommet, dans les expressions libres au sein de l’agora des peuples autochtones, de la jeunesse et de la société civile, construisons ensemble de manière inclusive et progressive l’histoire ici à Brazzaville ».

Les trois écosystèmes mondiaux représentent 80% des forêts tropicales et 2/3 de la biodiversité terrestre, et assurent le rôle vital de régulateur mondial de l’équilibre carbone et de la vie sur terre.

Lee White, Ancien ministre de l’Environnement de la République du Gabon, dans son allocution a apporté son expertise et son soutien en tant que champion du climat et de la biodiversité pour les Trois Bassins des Écosystèmes et des Forêts Tropicales, soulignant l’urgence d’agir pour protéger ces écosystèmes vitaux. Introduite par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), la présentation de l’état de l’Art des Trois Bassins Tropicaux des Tourbières et des Mangroves a fourni une vue d’ensemble des tourbières et des mangroves dans les Trois Bassins. Un focus a suivi, présenté par la Commission des Forêts d’Afrique centrale pour le Bassin du Congo, l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne pour le Bassin Amazonien, et l’Asian Forest Cooperation pour le Bassin Bornéo Mékong Asie du Sud-Est. Ces présentations ont mis en évidence l’importance de ces écosystèmes pour la planète et la nécessité de les protéger. En effet, les trois écosystèmes mondiaux représentent 80% des forêts tropicales et 2/3 de la biodiversité terrestre, et assurent le rôle vital de régulateur mondial de l’équilibre carbone et de la vie sur terre.

Établir une gouvernance mondiale efficace

La vision centrale du Sommet pour la préservation et la restauration des trois poumons écologiques de la planète repose sur les objectifs suivants : Promouvoir la coopération scientifique et technique, renforcer les capacités et accroître l’influence dans les forums multilatéraux en faveur de la défense de l’environnement ; Établir une gouvernance mondiale efficace pour gérer les défis environnementaux et climatiques à l’échelle planétaire ; Élaborer une stratégie commune visant à stimuler les projets d’investissement pour lutter contre le changement climatique et préserver la biodiversité. « Les menaces qui pèsent sur les forêts tropicales s’aggravent : c’est pourquoi les droits des peuples autochtones et des communautés forestières doivent être au cœur de l’initiative des Trois Bassins », écrivent une cinquantaine d’organisations nationales dont le Aceh Wetland Foundation (Indonesie) ; le Centre Africain pour le Développement Durable et l’Environnement (CADDE) au Gabon, le Centre d’Actions pour le Développement (CAD) en République du Congo ; le Centre pour le Développement et l’Environnement (CED) et Forêts et Développement Rural (FODER)  du Cameroun. Soutenue par une quinzaine d’organisations internationales telles Earth Insight, Greenpeace Africa, Rainforest Action Network, elles interpellent les chefs d’Etats des pays de l’initiative du Sommet des Trois Bassins.

Dans le bassin du Congo, les blocs pétroliers et gaziers prévus chevauchent plus de 32 millions d’hectares, soit 39 %, de forêts tropicales intactes, qui abritent plus de 17 000 lieux habités, y compris des communautés autochtones et tributaires de la forêt. En Asie du Sud-Est, Les blocs pétroliers et gaziers désignés pour la production ou l’exploration couvrent plus de 34,8 millions d’hectares, soit près de 20 %, de forêts tropicales intactes.

Ces organisations de peuples autochtones, environnementales et autres organisations qui travaillent en première ligne, se disent inquiètes quant à la direction prise par cette initiative, en particulier le manque d’attention à l’égard des impacts négatifs des industries extractives et autres industries sur les forêts tropicales, y incluant l’engagement de la société civile et des détenteurs de droits dans ce processus. « Alors que l’objectif déclaré du Sommet est de préserver et de restaurer les trois grands bassins de forêts tropicales de la planète, une nouvelle recherche montre que, en réalité, plusieurs pays des trois bassins avancent des plans qui vont dans la direction contraire », relèvent ces dernières. Par exemple, en Amazonie, ces organisations notent que les blocs pétroliers et gaziers existants ou prévus chevauchent aujourd’hui environ 65 millions d’hectares, soit 13 %, de forêt tropicale intacte et plus de 31 millions d’hectares de territoires autochtones abritant plus de 500 nationalités indigènes. Dans le bassin du Congo, les blocs pétroliers et gaziers prévus chevauchent plus de 32 millions d’hectares, soit 39 %, de forêts tropicales intactes, qui abritent plus de 17 000 lieux habités, y compris des communautés autochtones et tributaires de la forêt. En Asie du Sud-Est, Les blocs pétroliers et gaziers désignés pour la production ou l’exploration couvrent plus de 34,8 millions d’hectares, soit près de 20 %, de forêts tropicales intactes.

Une note aigre-douce de la société civile

En Indonésie, plus de 99 000 lieux habités, comprenant un grand nombre d’autochtones et de personnes tributaires de la forêt, se trouvent à l’intérieur des blocs pétroliers et gaziers. Tandis que se posent ces préoccupations « profondes » au regard de la société civile, « l’initiative des Trois Bassins semble plus concernée par les marchés du carbone que par les droits humains des peuples autochtones et d’autres personnes en première ligne de la déforestation et de la dégradation des forêts. Entre-temps les acteurs de la société civile regrettent des difficultés à s’inscrire à l’événement, sans parler d’en influencer le contenu. Cette marginalisation ne fera qu’aboutir à de nouvelles interventions imposées d’en haut, extractives et inefficaces qui ont si souvent laissé tomber les populations et les forêts ». De ce fait, la société civile interpellent les gouvernements des trois bassins à s’engager sur un certains nombres de points plus important à leur avis que cette question de marché du carbone.

Il s’agit notamment de : Accroître la protection juridique fondée sur le droit, la démarcation et la reconnaissance des terres et territoires des communautés forestières comme condition préalable à une protection plus efficace des forêts ; Défendre leur droit à participer pleinement et effectivement à la prise de décision concernant tout développement prévu dans ces zones ; respecter le droit des populations autochtones à un consentement libre, préalable et éclairé, de même que la protection de personnes vivant dans un isolement volontaire, ainsi que assurer la protection des personnes vivant dans un isolement volontaire ; Renforcer et protéger les populations autochtones et les autres défenseurs de l’environnement et des droits humains en première ligne, notamment en améliorant l’accès à la justice ;  Arrêter et inverser la perte et la dégradation de tous les écosystèmes naturels dues à l’agriculture à grande échelle, l’exploitation minière, extractive et à d’autres industries, notamment par un moratoire mondial sur les activités industrielles dans les forêts primaires ainsi que dans les forêts prioritaires, etc. Pour leur part, la communauté internationale et les gouvernements des pays du Nord devront entre autres : Réduire la consommation de produits dont la production détruit les forêts et le climat ; Canaliser des investissements plus importants et de meilleure qualité vers les efforts de protection des forêts dans les trois bassins, y compris vers les fonds dirigés par les autochtones dans ces régions.

Nadège Christelle BOWA

218,7 millions d’hectares de forêts tropicales humides ont disparu

Amazonie-Bassin du Congo-Asie du Sud-Est

Les menaces liées à l’expansion des industries pétrolières, gazières, minières, etc. sont immédiates où ces concessions se superposent aux forêts naturelles. Alors que s’ouvre à Brazzaville, le Sommet des trois bassins, des voix s’élèvent pour alerter sur l’état des forêts dans ces zones d’un intérêt indéniable sur les objectifs stock carbone important pour au moins réduire la température dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

« Sans un arrêt rapide de la déforestation et de la dégradation des forêts naturelles, les trois bassins risquent une rupture systémique de l’écosystème et, à mesure que le climat se réchauffe, des boucles de rétroaction se déclenchent et des canopées entières disparaissent. L’Amazonie est déjà au milieu d’une crise de basculement, tandis que le bassin du Congo devrait atteindre un point où il ne pourra plus soutenir les écosystèmes et les services de la forêt tropicale », préviennent les auteurs du rapport sur la menace des trois bassins : Empêcher l’expansion pétrolière et gazière, minière et industrielle. Le document a été publié le mardi 24 octobre 2023 par Earth Insigth, une initiative de recherche et de renforcement des capacités qui est un projet parrainé par le Resources Legacy Fund, au cours d’un évènement en ligne organisé en prélude à la tenue du Sommet des trois bassins qui s’ouvre ce jeudi à Brazzaville en République du Congo.

Ce rapport jette un regard sévère sur les menaces imminentes liées à l’expansion de ces industries en examinant les endroits où les concessions pétrolières et gazières, minières et autres concessions industrielles se superposent aux forêts naturelles (souvent des forêts primaires et des zones clés pour la biodiversité). Il indique également les zones de chevauchement avec les territoires autochtones, les terres coutumières et les lieux habités. Par exemple, décrie Tyson Miller, Executive Director (Directeur exécutif) de Earth Insight, la cartographie et l’analyse montrent que : près de 400 millions d’hectares, soit 26 % des forêts tropicales intactes en moyenne, se trouvent aujourd’hui dans des concessions pétrolières, gazières…et d’exploitation minière dans les trois bassins ; près de 100 millions d’hectares de territoires indigènes se trouvent aujourd’hui dans des blocs pétroliers et gaziers et/ou des concessions minières actives ou concessions minières actives ou potentielles dans la seule Amazonie ; près de 54 millions d’hectares de forêts tropicales (en majorité des forêts tropicales non perturbées) font l’objet d’une exploitation forestière dans le bassin du Congo ; près de 50 000 lieux habités (villages, communautés, villes, etc.) se trouvent dans des concessions pétrolières, gazières et minières dans les 3 bassins.

106,5 millions d’hectares supplémentaires dans un état dégradé

Une analyse des données Landsat de 1990 à 2019 a révélé que 218,7 millions d’hectares de forêts tropicales humides ont disparu et que 106,5 millions d’hectares supplémentaires se trouvent dans un état dégradé. Elle estime qu’au moins 45,4 % de la dégradation récente conduira probablement à la déforestation dans moins de dix ans. En 2022, la perte de forêts tropicales primaires s’élevait à 4,1 millions d’hectares, soit l’équivalent de 11 terrains de football de forêt disparaissant chaque minute. Dans le bassin amazonien, quelque 26 % de la superficie présentent des signes de déforestation et de forte dégradation ; 20 % ont été convertis de manière irréversible et 6 % sont fortement dégradés. On prévoit également qu’au moins 27 % des forêts pluviales intactes du bassin du Congo présentes en 2020 seront confrontées à de graves menaces existentielles d’ici à 2050 si le rythme de la déforestation et de dégradation des forêts.

L’Asie du Sud-Est a perdu une superficie forestière supérieure à celle de l’Allemagne : 376 000 km2, soit près d’un sixième de ses forêts, avec des menaces croissantes liées aux combustibles fossiles, à l’exploitation minière, à l’agro-industrie, à la sylviculture et à d’autres formes d’expansion industrielle. Raison pour laquelle, Earth Insigth et ses organisations partenaires soulignent dans ce rapport alarmant, la nécessité absolue d’un moratoire sur l’expansion des activités industrielles dans les forêts primaires et prioritaires de ces régions et du monde entier, afin de créer un espace pour des solutions financières telles que l’allègement de la dette, la réorientation des subventions, le paiement des services écosystémiques et d’autres innovations du système financier à mettre en place pour préserver ces trésors mondiaux et répondre aux besoins en matière de développement. « En l’absence d’un arrêt des activités extractives et d’une protection et d’une application adéquate, les forêts restantes et les communautés autochtones et locales qui en dépendent continueront d’être gravement touchées », préviennent-ils.

Nadège Christelle BOWA

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Des experts explorent la piste du méthane d’origine animale

Changement climatique

 Il s’agit d’un puissant gaz à effet de serre qui a le plus d’impact sur le climat après le CO2. S’il reste moins longtemps dans l’atmosphère, son pouvoir de réchauffement est plus de 80 fois supérieure à celui du dioxyde de carbone sur une période de 20 ans. L’augmentation de la consommation de produits d’élevage est un puissant facteur de croissance des émissions.

« Les vaches ne produisent pas seulement du lait et de la viande. Elles émettent également du méthane, un puissant gaz à effet de serre », singe swissinfo.ch dans l’une de ses publications sur le sujet. Cette tournure comique cache assez mal l’ampleur des dégâts de ce gaz sur le climat. Une évaluation publiée par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et la Coalition pour le climat et la qualité de l’air, révèle même que la réduction des émissions de méthane liées à l’agriculture serait essentielle dans la lutte contre le changement climatique. Sans une baisse drastique de ses émissions dans les années à venir, il ne sera pas possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C apprend-t-on. L’heure est donc grave ! Toujours selon le PNUE, les émissions générées par le bétail, provenant du fumier et des rejets gastro-intestinaux, représentent environ 32 % des émissions de méthane d’origine humaine. La croissance démographique, le développement économique et la migration urbaine ont stimulé une demande sans précédent de protéines animales et, la population mondiale approchant les 10 milliards d’habitants, cette demande devrait augmenter de 70% d’ici 2050. 

« S’ils étaient un pays, les animaux de ferme seraient le plus grand producteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis » swissinfo.ch

Le méthane est à l’origine d’environ 30 % du réchauffement de la planète depuis l’ère préindustrielle et il prolifère plus rapidement que jamais depuis que l’on a commencé à tenir des registres dans les années 1980. En fait, d’après les données de la National Oceanic and Atmospheric Administration des Etats Unis, même si les émissions de dioxyde de carbone ont ralenti pendant les fermetures liées à la pandémie de 2020, le méthane atmosphérique a augmenté. Chez les bovins et autres ruminants, le méthane est produit par des bactéries dans le rumen, le premier des quatre estomacs de l’appareil digestif. Il se forme principalement lors de la fermentation des fibres végétales et s’échappe surtout par la bouche lorsque l’animal expire ou rote. Ce gaz est également produit lorsque le fumier se décompose dans le sol. D’où la forte odeur désagréable qui se dégage des pâturages. Une vache émet entre 70 et 120 kg de méthane par année. Les bovins élevés dans le monde entier pour la production de viande et de lait, ainsi que d’autres animaux d’élevage, rejettent l’équivalent de 3,1 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère par an. « S’ils étaient un pays, les animaux de ferme seraient le plus grand producteur de gaz à effet de serre après la Chine et les États-Unis », caricature swissinfo.ch

Que faire

« le secteur mondial de l’élevage est la plus grande source de méthane provenant des activités humaines. Pourtant, les technologies permettant de réduire les émissions n’en sont qu’à leurs balbutiements et ne sont pas encore rentables pour les agriculteurs en l’absence d’un soutien politique fort »

Mark Howden, directeur de l’Institute for Climate, Energy and Disaster Solutions

Le tableau est sombre et chez les scientifiques et universitaires, ça cogite. « Nous devons investir dans les solutions aux émissions du bétail. Dans les pays à faibles et moyens revenus, nous avons besoin de plus de soldats sur le terrain pour collecter les données nécessaires à une bonne gestion du méthane », propose Ngoni Chirinda, professeur de Sustainable tropical Agriculture (En français, Agriculture tropicale durable) à l’Université polytechnique Mohammed VI au Maroc. « Nous devons également investir davantage dans les services de vulgarisation et les innovations qui aideront les agriculteurs à améliorer la nutrition et la santé du bétail et leur permettront d’accroître leur productivité sans augmenter la taille des troupeaux et les émissions de méthane », poursuit l’universitaire. Mario Herrero, professeur Sustainable Food Systems and Global Change (Systèmes alimentaires durables et de changement global) à l’Université de Cornell aux États-Unis, dont la pensée rejoint celles de certains groupes de défense des animaux et de l’environnement tels que Greenpeace préconise de réduire drastiquement le nombre de têtes de bétail et la consommation de viande et de produits laitiers. « Nous ne pourrons pas obtenir les résultats escomptés en matière de méthane en nous concentrant uniquement sur les mesures relatives à l’offre – nous devons également modérer la demande », recommande-t-il.

Dans les pays à faibles et moyens revenus, de nombreuses personnes devront continuer à consommer des produits animaux, mais dans les pays à hauts revenus, où la surconsommation de bétail et d’autres produits alimentaires présente des risques importants pour l’environnement et la santé humaine, nous devons réduire la consommation. Mario Herrero, professeur Sustainable Food Systems and Global Change, Université de Cornell aux États-Unis

Pour lui, le changement de régime alimentaire est un élément important de la solution. « Dans les pays à faibles et moyens revenus, de nombreuses personnes devront continuer à consommer des produits animaux, mais dans les pays à hauts revenus, où la surconsommation de bétail et d’autres produits alimentaires présente des risques importants pour l’environnement et la santé humaine, nous devons réduire la consommation. La bonne nouvelle, c’est qu’au cours des 20 dernières années, la consommation de viande rouge par habitant a diminué, en particulier dans les pays à revenu élevé ». Face au changement préconisé, « la réticence des consommateurs, agriculteurs, entreprises des chaînes de valeur et responsables politiques a parfois orienté les conversations dans les médias et les politiques vers des voies improductives telles que la tentative de modifier les mesures au lieu de se concentrer sur les moyens de réduire les émissions de manière rentable, éthique et équitable », regrette Mark Howden, directeur de l’Institute for Climate, Energy and Disaster Solutions (Institut pour les solutions en matière de climat, d’énergie et de catastrophes), à l’Université nationale australienne. Alors que  « le secteur mondial de l’élevage est la plus grande source de méthane provenant des activités humaines. Pourtant, les technologies permettant de réduire les émissions n’en sont qu’à leurs balbutiements et ne sont pas encore rentables pour les agriculteurs en l’absence d’un soutien politique fort », déplore ce dernier.

Nadège Christelle BOWA

Les prix des produits de base pourraient devenir plus volatils

Chocs climatiques et géopolitiques

C’est l’un des faits marquants du rapport du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale. Rendu public lors des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI qui se sont achevées dimanche 15 octobre à Marrakech, au Maroc, celui-ci montre que le ralentissement de l’économie mondiale se poursuit dangereusement.

Selon le rapport du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale, cette dernière devrait ralentir de 3,5 % en 2022 à 3 % en 2023 et à 2,9 % en 2024. Ce chiffre est bien inférieur à la moyenne historique (2000-19) de 3,8 % et les pays en développement et émergents sont les plus durement touchés. Le rapport montre que les prix des produits de base, y compris ceux des minéraux essentiels, pourraient devenir plus volatils en raison des chocs climatiques et géopolitiques, ce qui pourrait poser des risques macroéconomiques, notamment pour la transition climatique. A-t-on appris au cours des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI qui se sont tenues la semaine dernière à Marrakech au Maroc.  Ces réunions se sont déroulées sur le continent africain après 50 ans, dans un contexte de tensions géopolitiques mondiales croissantes qui s’ajoutent à la multitude de crises mondiales auxquelles les pays en développement sont confrontés en raison des défis croissants en matière de climat, de développement et de politique. Autre point important à retenir de ces assises : La mission « planète vivable » de la Banque mondiale promue par Ajay Banga, président de la Banque mondiale, a été approuvée par ses gouverneurs. Cette nouvelle vision vise à instaurer « un monde sans pauvreté sur une planète vivable, dans le but de stimuler le financement de la lutte contre le changement climatique. Egalement, de nouvelles réformes ambitieuses ont été approuvées par les 25 membres du comité de développement, ce qui devrait permettre d’accroître les investissements dans l’action climatique et le développement durable.

« La Banque mondiale devrait s’assurer que dans sa nouvelle orientation, elle se concentre sur : l’accès à l’eau pour les écoles et les centres de santé ; la sécurité alimentaire devrait aller de pair avec la sécurité nutritionnelle ; l’augmentation de l’infrastructure numérique publique ; et le financement ciblé pour la connectivité des écoles », a commenté Neema Lugangira, membre du Parlement Tanzanien. Il soutient que la Banque mondiale et le FMI devraient envisager la conversion de la dette pour le financement du climat et conclure avec la nécessité pour les deux agences de financement du développement de soutenir le renforcement des capacités des parlementaires dans des domaines connexes comme un véhicule vers une responsabilité et une surveillance solides. Interprétant la vision d’Ajay Banga, la coordinatrice mondiale de Big Shift,  Sophie Richmond, pense que celle-ci ne peut devenir réalité si l’on ne s’attaque pas à la cause du changement climatique, à savoir les combustibles fossiles. « Et le gaz est un combustible fossile.  L’avenir est aux énergies renouvelables propres, abordables et durables. La Banque doit s’éloigner des énergies sales du passé et soutenir la transition vers une planète plus saine, durable et vivable », a-t-elle recommandé.

Changer la donne

Au cours de ces assises, dix banques multilatérales de développement (Multilateral Development Banks, MDBs) ont publié une déclaration commune dans laquelle elles s’engagent à renforcer leur collaboration afin de catalyser les financements et stimuler l’action climatique. Le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, avait donné le ton de ce partenariat lors de son allocution précédente en déclarant que la Banque mondiale « travaillait aux côtés des MDBs pour coordonner l’action mondiale, catalyser le changement et multiplier l’impact ». Par ailleurs, l’Afrique subsaharienne a obtenu un troisième siège, ce qui renforce sa position. Et le groupe des 20 pays vulnérables (V20) pourrait être reconnu au FMI, aux côtés du G7, du G20 et du G24, ce qui permettrait aux pays vulnérables sur le plan climatique d’avoir davantage voix au chapitre dans les processus du FMI. De l’avis de l’économiste Tunisien Fadhel Kaboub, Président du Global Institute of Prosperity, ces retombées ne sont points satisfaisants. « La Banque mondiale et le FMI ont été créés en 1944, alors que la majeure partie de l’Afrique était encore colonisée. L’architecture financière mondiale néocoloniale a fait exactement ce pour quoi elle avait été conçue, à savoir : extraire des matières premières bon marché pour le Nord mondial ; créer de vastes marchés de consommation pour la production industrielle du Nord mondial ; et externaliser des technologies obsolètes et des produits manufacturés à faible valeur ajoutée vers le Sud mondial. Cette architecture financière mondiale néocoloniale a échoué sur le plan économique et écologique, et nous ne pouvons donc pas nous attendre à ce que ce soit la même architecture qui résolve nos problèmes aujourd’hui », argue-t-il.

Ces institutions poursuit-il « …n’ont manifesté aucun intérêt pour la décolonisation des économies africaines ou pour l’élimination des causes de nos problèmes de dette extérieure. Nous n’avons entendu aucune annonce concernant la priorité à donner aux investissements stratégiques dans la souveraineté alimentaire et l’agroécologie, ni aux investissements dans les infrastructures d’énergie renouvelable et les technologies de cuisson propres à déployer en Afrique, ni aux investissements dans l’industrialisation panafricaine à forte valeur ajoutée ». Fadhel Kaboub indexe aussi l’attitude méprisante des dirigeants de la Banque mondiale et du FMI qui n’ont pas daigné honorer les panels parrainés par la société civile. « Ce qui témoigne d’un mépris total et d’un manque de respect à l’égard de toute critique constructive et de toute proposition de politique alternative », relève l’économiste avant de conclure que : « Cela devrait galvaniser les efforts des pays du Sud pour mettre en place des institutions financières alternatives qui remettraient en cause l’hégémonie des architectures commerciales, financières et d’investissement mondiales, et rendraient la Banque mondiale et le FMI redondants, des institutions qui doivent être soit radicalement transformées, soit démantelées ». Quoi qu’il en soit, « L’horloge tourne maintenant – avec des crises mondiales qui s’accélèrent et une fenêtre politique limitée, les gouvernements doivent utiliser les six prochains mois pour transformer l’élan de ces réunions en solutions qui changent la donne et qui sont nécessaires pour relever les défis générationnels auxquels le monde entier est confronté », observe Amy Dodd, directrice des politiques à la campagne ONE.

Nadège Christelle BOWA

La campagne adapt2live lancée pour mobiliser le soutien international

Adaptation et résilience en Afrique

Power Shift Africa, groupe de réflexion climatique, a lancé une campagne panafricaine pour mobiliser le soutien international aux initiatives d’adaptation et de résilience sur le continent et pour obliger la communauté mondiale à augmenter le financement des initiatives d’adaptation.

Intitulée Adapt2Live, la campagne cherche à mettre en évidence l’adaptation et la résilience comme une question urgente pour l’Afrique tout en faisant pression pour leur élévation dans l’agenda politique du discours climatique. « Le temps de reporter à plus tard les aspirations audacieuses en matière d’adaptation au climat est révolu depuis longtemps. L’Afrique ne peut pas se permettre de retarder davantage le débat vital sur l’adaptation alors que nos communautés subissent déjà les ravages d’une crise climatique que nous n’avons pas provoquée. Des actions climatiques ambitieuses, collectives et intentionnelles sont nécessaires dès maintenant » affirme Mohamed Adow, directeur de Power Shift Africa. « L’urgence climatique constitue une menace immédiate et intergénérationnelle pour la résilience des communautés et de la biodiversité africaines. Pendant trop longtemps, les besoins et les coûts d’adaptation de l’Afrique ont été laissés de côté, avec des conséquences néfastes pour notre continent. Il n’a jamais été aussi urgent d’agir », soutient sa collègue, Amy G Thorp, conseillère principale en adaptation et résilience.

Pour elle, « La campagne Adapt2Live répond aux besoins d’adaptation de l’Afrique, au déficit financier croissant et met en lumière les nombreuses solutions fondées sur les droits et centrées sur les personnes qui existent déjà à travers l’Afrique. Nous devons nous rassembler derrière cette campagne si nous espérons faire de l’adaptation une priorité dans l’agenda climatique et politique ». Les organisateurs d’Adapt2Live affirment que l’adaptation climatique n’a été que marginalement abordée lors du Sommet africain sur le climat. Ce qui a vu le sujet marginalisé dans l’agenda climatique multilatéral. Ce, malgré la place centrale de l’adaptation dans le discours.  Ce qui nuit à la capacité du continent à faire face à l’urgence climatique qui s’intensifie. Ils notent par ailleurs que les interventions d’adaptation ont jusqu’à présent été réactives, progressives, fragmentaires et manifestement insuffisantes, avec un écart de mise en œuvre qui se creuse et un manque de temps pour mener une action climatique décisive.

Des solutions éclairées par les réalités locales

Responsable de campagne de Don’t Gas Africa, Bhekhumuzi Dean Bhebhe, pense que : « Cette campagne est une tapisserie dont chaque fil est tissé dans le but de favoriser la croissance et d’éradiquer la pauvreté grâce au développement durable en Afrique d’une manière qui donne la priorité aux personnes, à leurs besoins et à leurs solutions. La campagne Adapt2Live n’aurait pas pu arriver à un meilleur moment ». En effet,  « Les dirigeants africains n’ont plus le luxe de retarder les interventions d’adaptation. Les moyens de subsistance, la souveraineté alimentaire et l’accès à l’eau sont dangereusement menacés par les sécheresses, les cyclones et les catastrophes climatiques récurrents », souligne Lorraine Chiponda, coordonnatrice principale du Movement Building Space. Selon elle, le continent doit élever les discussions sur l’adaptation au climat et la résilience parce que nos circonstances l’exigent. « Ce que nous faisons maintenant déterminera si le continent et ses habitants survivront à l’urgence climatique ». ​

Les militants affirment que le continent regorge de solutions d’adaptation, parmi lesquelles les systèmes de connaissances autochtones. Depuis des générations, ces systèmes de connaissances traditionnelles offrent des solutions spécifiques au contexte, éclairées par les réalités locales pour protéger et renforcer la résilience des communautés et des écosystèmes africains. Le développement de l’agroécologie, la souveraineté alimentaire et la restauration de la nature ont été proposés comme des solutions qui ancreront le continent sur une voie de développement solide. Bon nombre de ces initiatives sont menées localement et reposent sur des systèmes de connaissances traditionnelles ou autochtones. La campagne démontrera également les interventions potentielles qui pourraient conduire le programme de développement du continent d’une manière plus adaptable, durable, résiliente et verte. Faut-il le rappeler, l’Afrique a été aux portes de la crise climatique au cours des trois dernières décennies, avec des inondations meurtrières, des sécheresses dévastatrices et des vagues de chaleur détruisant des vies et des moyens de subsistance, des événements qui ont marqué l’intensité et l’urgence de la calamité de notre époque.

Nadège Christelle BOWA

Des jeunes mobilisés pour l’arrêt de la production de combustibles fossiles

Cameroun

Volontaires de Greenpeace Afrique du Cameroun, ces jeunes gens se sont rassemblés à l’esplanade de la Sous-Préfecture de Tsinga, le vendredi 15 septembre 2023 au cours d’une mobilisation chorégraphique se joignant ainsi à un mouvement mondial contre l’usage des énergies fossiles, cause principale de la crise climatique.

« Les jeunes sont anxieux ! Ils se demandent ce que sera leur demain face à l’utilisation des combustibles fossiles et surtout leur impact négatif sur l’environnement, l’air que nous respirons, etc. », renseigne Marie Grace Ngo Mbog, Coordinatrice des Volontaires Greenpeace au Cameroun.  Pour le faire savoir, ils se sont mobilisés le vendredi 15 septembre 2023 autour de Greenpeace Afrique par une sortie éclair (Flash Mob) dans les encablures de Tsinga, un quartier de Yaoundé, précisément à l’esplanade de la sous-préfecture de cette localité. Tout d’abord, une jeune fille s’élance avec un cri strident. Une autre la suit portant dans ses mains, une queue de cheval, symbole de courage et de victoire. Peu à peu se forme un groupe de jeunes garçons et filles pour une chorégraphie unique sous un air musical traditionnel. On reconnait dans leur pas, les touches de nos danses traditionnelles auxquelles ils ont apporté une pointe de modernité.

Mais ce qui retient l’attention du public de badauds, c’est ce jeune homme habillé de déchets de plastiques de toutes sortes. Il domine la foule par sa haute taille. Ce qui traduit parfaitement l’état d’envahissement et la pression de ce type de déchets dans nos différentes villes. Il se meut partout sans personne pour pouvoir l’arrêter. Ainsi ce type de déchets envahis nos villes et campagnes, nos cours d’eau, etc. semant la désolation au sein de la population aquatique, bouchant les caniveaux et rigoles avec en conséquence les inondations sans que les populations, les pouvoirs publics puissent faire quelque chose. Au terme de la chorégraphie cependant, le jeune homme plastique se retrouve au sol comme mort. Une victoire pour les jeunes qui ont ainsi démontré que malgré la situation chaotique, il  est possible avec de la volonté et en se mettant ensemble de venir à bout de ce type de déchets. Ils en ont identifié la cause. D’ailleurs le message qu’ils brandissent le dit assez clairement : « 99% des plastiques sont faits à partir des huiles et gaz. Stop à la pollution plastique, stop aux énergies fossiles ».

Un combat à gagner

« Nous avons voulu adresser un message clair aux leaders avant qu’ils ne se réunissent la semaine prochaine [cette semaine, Ndlr]. Les décisions qu’ils prennent nous affectent aujourd’hui et nous affectent demain quand ils ne seront plus là. Il faut une suppression progressive mais rapide de la production de combustibles fossiles, sinon, il nous sera difficile d’atteindre le seuil de 1,5 degrés au réchauffement global », a expliqué Marie Grace Ngo Mbog. En effet, « les combustibles fossiles sont un poison pour toutes les générations. Ils sont la première cause des changements climatiques. 90% de la matière plastique par exemple est produite à base de combustible fossile. Et ici à Yaoundé comme dans plusieurs autres villes du Cameroun, nous vivons les effets du changement climatique. Les familles subissent de plus en plus les affres des inondations. C’est connu, le plastique bouche les caniveaux et quand il pleut l’eau ne circule pas correctement. Il faut arrêter sa production », dénonce-t-elle au nom de cette jeunesse militante.

« Certains pays africains les moins bien approvisionnés en énergie sont les plus riches en réserves pétrolières. Et de nombreuses régions pacifiques et riches en biodiversité ont sombré dans le conflit avec l’arrivée des grandes compagnies pétrolières. Pour les milliers de jeunes Africains qui défilent pour mettre fin à l’expansion des combustibles fossiles et à l’extraction néocoloniale qui aggrave les difficultés des communautés africaines, il s’agit d’une lutte pour leur survie. C’est un combat pour nos vies et notre bien-être. Et c’est un combat qu’ils doivent gagner », renchérit Dr. Oulie Keita, Directrice exécutive de Greenpeace Afrique. Cette mobilisation de près trente jeunes qui s’est tenue également dans 60 autres pays d’Afrique et globalement, est organisée en prélude au Sommet des Nations Unies sur l’Ambition climatique qui se déroulera le mercredi 20 septembre 2023 à New York.

Nadège Christelle BOWA

Fadhel Kaboub : La taxe carbone est une distraction

Non au piégeage économique néocolonial !

Pour rappel, la Taxe Carbone ou écotaxe est un impôt environnemental direct, proportionnel aux quantités de dioxyde de carbone (CO2) émises lors de la production et/ou de l’usage d’une ressource, d’un bien ou d’un service. Plus un produit émet de gaz à effet de serre (ou d’équivalents CO2) plus il est taxé. C’est une application directe du principe « pollueur-payeur ». Mais Fadhel Kaboub, président du Global Institute for Sustainable Prosperity, (GISP) estime qu’il ne s’agit pas d’une solution de transformation pour le développement de l’Afrique dans un contexte de lutte contre les changements climatiques. Surtout que le continent en subi de plein les effets alors qu’il n’en est quasiment pas responsable. Promoteur d’une vision dite « alternative » au financement climatique, Fadhel Kaboub en parle dans cette interview réalisée à Machakos, une localité située à environ 60 km de Nairobi au Kenya au terme de sa présentation lors d’une formation des journalistes africains organisée par Power Shift Africa (PSA) et Mesha, pour promouvoir la thématique des changements climatiques dans les rédactions. Il y dénonce le piégeage économique néocolonial dans lequel l’Afrique est engluée et qui fausse les bases de la négociation dans les rendez-vous dédiés au changement climatique comme celui annoncé à Dubaï en novembre prochain (COP 28).

Statistiquement parlant à combien se chiffre la facture due au changement climatique -Qu’elle soit financière ou environnementale- sur le continent africain ?

Côté environnemental, l’Afrique est responsable seulement à 4% des émissions de CO2. C’est l’équivalent de ce que l’Espagne seule crée en termes de CO2. Au niveau financier, c’est très difficile de quantifier le coût financier du changement climatique. Mais les estimations sont dans les milliers de milliards de dollars cumulatif, parce qu’il faut quantifier les dégâts matériels, les dégâts en terme de vies humaines quand on a des désastres naturels, etc. Mais aussi les opportunités qui sont détruites pour les populations. On doit prendre en compte les réfugiés qui se sont déplacés non pas pour des raisons purement économiques mais environnementales et écologiques. Donc c’est très difficile de quantifier le coût réel de cet impact. En outre, le mouvement de population à cause du changement climatique crée beaucoup de pressions sur les zones qui reçoivent les déplacés. Les pressions économiques au niveau de l’habitat, au niveau de l’enseignement, de la santé. Ça crée souvent un conflit sur les ressources dont le coût est énorme.

Vous militez pour une vision alternative cohérente et globale pour le développement, les politiques sur le changement climatique et les politiques énergétiques en Afrique. Peut-on en savoir davantage sur le sens de ce débat que vous ouvrez ?

Mon analyse commence par une très simple observation. Si on divise le monde en 2 groupes : le Nord global et le Sud global et on fait le net de toutes les transactions financières au niveau mondial, tout inclut (investissement direct étranger, exports, imports, paiements d’intérêts, la dette, l’annulation de la dette, l’aide économique, etc.), le produit net est estimé à 2000 milliards de dollars qui vont du Sud global (pays pauvres) vers les pays du Nord. C’est un chiffre énorme. Quand on compare ce chiffre 2000 milliards de dollars avec 100 milliards de dollars qu’on nous a promis pour le financement du changement climatique, et tout ce qu’on inclut dans le financement du changement climatique, de développement, etc., on observe un système d’extraction néocolonial au niveau financier. Donc, si on va négocier des agréments au niveau mondial avec les Etats Unis, avec l’Europe, avec le reste du monde pour financer la transition énergétique et la transition climatique, on doit forcément parler de ces 2000 milliards de dollars qui vont non pas dans la bonne direction mais dans la direction inverse, des pays du Sud vers ceux du Nord.

Comment comprendre ce chiffre de 2000 milliards de dollars exporté par l’Afrique alors qu’elle mendie quelques 100 milliards pour la lutte contre le changement climatique pour ses Etats ?

Quand on analyse l’origine de ce chiffre, on observe qu’il y a trois déficiences structurelles que j’appelle néocolonial au niveau des pays du Sud et surtout de l’Afrique. Le premier est le déficit alimentaire. En Afrique, on importe 85% des produits alimentaires de base. Or, le continent africain bénéficie de ressources naturelles et de fertilité de sols qui ne peut pas expliquer ce déficit. Le deuxième point porte sur le déficit énergétique. Je prends le cas des pays comme le Nigéria qui exporte un volume énorme de pétrole. Ce même Nigéria aujourd’hui importe 100% de sa consommation d’essence pour les voitures. Le troisième point est le plus important ! Les économies africaines en général ont un problème d’industrialisation où on importe de la valeur ajoutée très forte et on exporte la valeur ajoutée très faible. Donc on importe les composantes, les inputs, l’énergie, la technologie et on ajoute de la valeur ajoutée qui est dérivée de la main d’œuvre qui ne coûte pas chère en Afrique. Notre industrie en général est soit de l’extraction pure et simple de matières premières, soit de la fabrication de l’assemblage de ce je peux appeler « bricolage » de valeur ajoutée très faible. Si on prend en compte les trois déficits au niveau énergétique, alimentaire et industriel, on observe un déficit de la balance commerciale qui est structurelle, annuelle et qui augmente au fur et à mesure.

On ne peut pas parler d’investissement dans un système de piégeage économique néocolonial,
Fadhel Kaboub, président du Global Institute for Sustainable Prosperity,

Le résultat de ces déficits de la balance commerciale est le fait que nos monnaies, notre taux de change est constamment en baisse par rapport au dollar, par rapport à l’euro. Donc le résultat d’une monnaie faible est que tout ce qu’on importe (des produits alimentaires, de l’énergie, des médicaments…) tout ce qu’on importe a des prix plus élevés. On importe l’inflation en Afrique et malheureusement nos gouvernements, ce qu’ils font c’est une intervention automatique pour essayer de subventionner les produits alimentaires, les produits énergétiques et en même temps emprunter de la devise de dollar, de l’euro, du British pound afin de stabiliser la valeur de notre monnaie par rapport au dollar. Ce qui crée le problème du cercle vicieux de la dette externe. On ne peut pas parler aujourd’hui d’investissement, de contribution des pays africains pour la transition énergétique, pour le développement pour la santé, pour l’enseignement…quand on parle d’un système qui fait de façon systématique du piégeage économique colonial voire néocolonial.

Dans ces conditions que recommandez-vous aux Etats africains lors des négociations qui sont très attendues pendant la COP 28 en novembre prochain à Dubaï ?

Pour ces négociations à la Conférence des parties (Cop 28) à Dubaï, etc., on doit parler de modifier, de transformer et non pas seulement reformer le système financier international. Parce que ce système financier a été créé en 1944 quand la majorité des pays du Sud, l’Afrique en particulier était des colonies. C’est un système financier qui n’était pas créé par nous, qui n’a pas été créé pour nous. Donc, ça ne peut pas être le système financier qui va améliorer notre condition aujourd’hui. C’est le sens de mon intervention. Il est très important à mon avis, de présenter ces idées non seulement aux gouvernements et aux académiciens mais aussi aux journalistes, au public africain à travers ces conversations qui doivent être au centre des négociations pour le changement climatique, le développement et la réforme du système financier mondial.

Est-ce le sens du concept « alternative », quand vous parlez également de souveraineté monétaire des pays africains ?

Exactement. Pour transformer notre situation en Afrique et dans les pays du Sud en général, la solution est très simple. Si on observe trois déficiences structurelles au niveau alimentaire, énergétique, et industriel, la solution est d’investir pour la souveraineté alimentaire ; c’est d’investir dans la souveraineté énergétique et surtout que notre potentiel c’est l’énergie renouvelable. Et troisièmement, de développer une politique industrielle au niveau national, régional et pourquoi pas panafricain pour utiliser les ressources naturelles, les ressources humaines qu’on possède ici en Afrique afin de créer de la valeur ajoutée forte et retenir la valeur ajoutée et non pas pour l’export mais créer de la valeur et produire pour servir le besoin de développement et de l’infrastructure ici en Afrique.

Concernant le mécanisme de financement des pertes et préjudices, comment est-ce que vous qualifiez l’état d’avancement des discussions pour sa mise en place ?

Le fond est vide ! En fait, John Kerry, le représentant américain a déclaré, il y a quelques semaines que les Etats Unis ne vont pas payer de compensation aux pays pauvres pour les dégâts climatiques. Il l’a dit directement. On comprend que les Etats Unis ne vont pas contribuer de façon significative à ce fond. Et pour les Etats Unis, c’est une question de contribution d’autres pays, non seulement les pays européens mais aussi les pays comme la Chine et l’Inde par exemple. Il est question de faire pression sur la Chine de contribuer parce qu’elle a contribué aussi au changement climatique. Sauf que la contribution au niveau de la pollution de la Chine est récente.  En outre, la majorité de la pollution créée par la Chine, l’est pour produire des produits de consommation pour les pays du Nord.

Dans quel registre positionnez-vous la taxe carbone ? Comment est-ce qu’on peut la matérialiser au niveau de nos Etats pour pouvoir l’inclure dans les lois de finance ?

La taxe carbone n’est pas une solution de transformation. Les compagnies, les firmes qui vont payer la taxe carbone possèdent le pouvoir de marché. Ce qui leur permet d’ajouter le coût de la taxe aux consommateurs. C’est donc un transfert direct pour les consommateurs. Ce n’est pas une méthode de forcer les compagnies qui polluent de changer leurs technologies, de changer leurs méthodes parce qu’ils peuvent passer le coût de la taxe aux consommateurs de façon directe ou indirecte. En somme, c’est une distraction.

Nadège Christelle BOWA

De retour de Mechakos (Kenya)