Les négociations sur le Marché du carbone coincent à Dubaï

COP 28

A Dubaï, les négociateurs semblent n’avoir tiré aucune leçon d’une année de scandales révélant des échecs et des fraudes généralisés sur le marché du carbone. Les cow-boys du carbone prêts à savourer une victoire au détriment des populations et de la planète ?

« Comme tout le reste, rien n’a bougé sur les règles du marché du carbone cette nuit (du lundi au mardi 12 décembre). De courtes réunions de 20 minutes ont été organisées hier soir pour proposer un texte à prendre ou à laisser, mais elles ont été annulées à la dernière minute, nous replongeant dans l’obscurité. Qui sait ce que nous réserve la journée d’aujourd’hui, mais pour les marchés… ce n’est pas bon signe », a-t-on appris aux aurores après une veillée d’arme pour contrôler autant que faire se peut, l’actualité des négociations relatives au marché du carbone à Dubaï. Alors que les rideaux se referment sur la 28ème Conférence des Parties sur le Climat de l’ONU (COP 28) à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, les acteurs de la société civile affichent une mine chagrine. La montagne des promesses lyriques semble vouloir accoucher d’une souris si ce n’est déjà fait. Alors que les rapports sur la vente de terres africaines à des fins de compensation se multiplient, les règles du marché du carbone de la CCNUCC, qui pourraient freiner de telles transactions, sont devenues plus mauvaises du jour au lendemain.

« Dans l’état actuel des choses, les accords de compensation entre pays au titre de l’article 6.2 ne font l’objet d’aucun appel à la transparence, d’aucun contrôle et d’aucune conséquence. L’ordre du jour des négociateurs est chargé aujourd’hui et on nous dit que le texte de l’article 6.2 qui sortira demain matin sera à prendre ou à laisser », confiait un activiste le dimanche 9 décembre à la veille des négociations sur le marché du Carbone. La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), est l’une des 3 conventions adoptées au Sommet de la Terre de Rio, en 1992, avec la Convention sur la diversité biologique et la Convention sur la lutte contre la désertification. « Une feuille blanche serait aussi efficace que les règles actuelles du marché du carbone de la CCNUCC », ironise Joab Okanda, Senior Climate Adviser chez Christian Aid.

Boîte noire

Photo: Programme UN REDD

Pour lui, « C’est une insulte aux populations de certaines régions d’Afrique qui sont confrontées à la menace très réelle de perdre leurs maisons et l’accès à leurs terres. Si les négociations se terminent ainsi, les colonialistes du carbone viendront frapper à la porte et il sera incroyablement difficile de faire quoi que ce soit. », a déclaré cet observateur tandis que les négociateurs travaillent sur l’article 6. Avocate principale au Center for International Environmental Law (CIEL), Erika Lennon relève pour le décrier que les négociateurs semblent n’avoir tiré aucune leçon même après une année de scandales révélant des échecs et des fraudes généralisés sur le marché du carbone. « Les dernières propositions relatives à l’échange de droits d’émission de carbone en cours de discussion ne prévoient aucun contrôle ni aucune transparence dignes de ce nom. Les accepter serait une victoire pour les cow-boys du carbone et une perte massive pour les populations et la planète », avise-t-elle.

« L’article 6.2 est sur le point de devenir une boîte noire », alerte pour sa part, Gilles Dufrasne, responsable politique des marchés mondiaux du carbone au Carbon Market Watch. « Pour faire la lumière sur les échanges de carbone, nous devons au moins avoir des limites claires aux dispositions de confidentialité, des conséquences réelles pour les pays qui ne respectent pas les règles et des garde-fous contre les pays qui veulent revenir sur les activités qu’ils ont autorisées. Le texte actuel ne contient rien de tout cela », constate ce dernier. Alors que les principaux combats se poursuivent au sein du GST (Global Stocktake, qui est le texte principal et global négocié à Dubaï) sur la question de savoir s’il faut inclure « stopper et inverser la déforestation d’ici à 2030 », la Journée de la nature n’a pas fait grand bruit autour de… la nature. De même, les règles du marché du carbone se resserrent et qu’il n’est pas certain que le financement de la nature soit inclus dans ledit GST, beaucoup se demandent d’où viendra l’argent pour les forêts à l’avenir. En rappel : 30 % des mesures d’atténuation peuvent être prises par la nature ; Le déficit de financement s’élève à 700 milliards de dollars par an ; 0,07 % de l’argent nécessaire pour y parvenir a été promis par les gouvernements lors de la COP28. Mais…

Nadège Christelle BOWA

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